Marc Pilon

J’ai été photographe durant un an, à part mes photos d’accidents d’autos. Je me suis acheté un gros Nikon tout équipé. J’ai seulement lu le mode d’utilisation. Je suis allé au Carrefour de l’Estrie pour demander à des inconnues de poser pour moi. Je n’avais aucun matériel à leur montrer, mais deux filles ont dit oui. Faut croire que les résultats étaient bons, car les filles qui demeuraient dans la tour des vierges (résidence du cégep) ont montré leurs photos aux autres filles.

En deux mois, j’ai photographié 25 filles de 18 à 21 ans. Les photos étaient toutes de styles différents. Je voulais que chaque fille ait son style. J’avais seulement 24 poses, par fille. Je devais les dégêner en deux poses. Presque à tous les coups, les filles voulaient une ou deux photos plus osées, à la fin de la séance. Même qu’une fois, j’ai fait des photos de nue en plein milieu du parc Jacques-Cartier. C’est la mère de la fille qui m’a demandé ça, pour les 18 ans de sa fille. Une autre fois, j’ai fait des photos d’une fille en baby doll à 9 heures du matin, dans le même parc. Durant la séance, un gars en bicyclette arrive. Je croyais que c’était un curieux. Comme je n’ai pas la langue dans ma poche, je dit au gars de nous laisser travailler. Le gars me sort un badge de policier! Mais il a trouvé ça tellement drôle qu’il a dit à la file de se rhabiller et à moi de ramasser mon matériel.

 


J’ai essayé plein de styles et avec toute sorte de gens. J’ai photographié des filles, des bébés, des enfants et même de la photographie de mariage. Un moment donné, je suis allé voir une exposition de photos avec mon matériel, au Carrefour de l’Estrie. J’ai montré mes photos à trois photographes. Ils trouvaient que j’avais un bon style. Là, je demande à l’un d’eux combien il demandait pour une séance. Il me dit : « Plus de 150 $ pour quatre photos. » En plus, il gardait les négatifs! Il me demande : « Toi tu demandes combien? » Je lui réponds : « 20 $ pour 24 poses et je donne les négatifs. » Après cette conversation, les trois photographes n’aimaient plus mon style. Je nuisais au métier. Je m’en foutais. J’ai passé un bel été à être payé pour photographier des filles. Ça m’a beaucoup aidé à connaître les femmes et à me dégêner.