Les chroniques de Han-Maison Chapitre 12

Les chroniques de Han-Maison

Chapitre 12

Je perçois distinctivement quatre voix. Je n’en reconnais qu’une, celle de Selma. Même s’ils ne parlent pas fort, je ressens la colère dans leurs intonations. Ils reprochent à Selma d’avoir laissé entrer cinq inconnus dans la maison. Je ne peux pas vraiment leur en vouloir. Ils parlent d’un homme. L’Impio. Il ne doit pas apprendre que nous sommes là. Selma s’impatiente. Elle demande aux autres depuis quand ils ont perdu leur humanité. Une autre voix féminine s’élève. « Comment oses-tu dire que je suis sans cœur. Moi, qui me suis démenée tous les jours depuis des mois pour vous nourrir. C’est facile de sortir des grands principes quand on a autant de temps libre pour y penser ». Un bruit de chaise qui frotte sur le plancher. Selma sort à grands pas de la salle à manger. Je me colle au mur pour ne pas être vu. La conversation reprend quelques instants plus tard. « Bon, alors qu’est-ce qu’on fait? », demande une voix juvénile. J’entends un soupir. La dame de tout à l’heure reprend : « Selma n’a pas tort. Ils ont besoin de cette maison. On va devoir les accueillir tant qu’on n’a pas de meilleure solution. Mais il va falloir qu’ils contribuent. Et surtout, qu’ils se fassent discrets. ». J’entends encore les chaises grincer. Je me dépêche à monter au troisième avant qu’ils ne sortent de la pièce.

Charlie est déjà dans notre chambre, étendue sur son lit.

  • Tu as enfin trouvé le chemin de la chambre, me dit-elle en fixant le plafond.

  • J’étais en train d’écouter une conversation importante figure toi.

Je suis encore amère de sa sortie devant le monsieur tout à l’heure.

  • Ah oui! Était-ce une conversation entre Selma et toi que tu écoutais avec autant d’attention ?

  • Bon ça suffit. Je sais qu’elle t’intéresse. Ça se voit dans tes yeux, dis-je me m’assoyant sur mon lit. Mais je ne vois pas en quoi ça te donne le droit d’être aussi sèche avec moi. Je veux dire, il faut se calmer, ça fait une journée que tu la connais!

Une ombre traverse Charlie. Lorsqu’elle réplique, il y a une aigreur dans sa voix.

  • Écoute moi bien Émile. Depuis le début de mon secondaire, je rêve d’avoir une petite amie. Ou au moins de fréquenter une fille. Mais non. Je suis une fille, et je suis autiste. Mon secondaire, je l’ai passé à regarder Mad Max avec personne à côté de moi. Maintenant j’ai 18 ans. J’avais une nouvelle chance avec le Cégep et il arrive une foutue fin du monde. Je ne vois plus personne à part vos cinq têtes à longueur de journée. Et voilà, je débarque ici, je parle à Selma et on s’entend super bien. Au moment où j’ai une opportunité, un morveux s’invite. 16 ans, à peine le temps de commencer à s’intéresser à l’amour et déjà tu peux avoir qui tu veux.

 

  • Wo. Pause. Je ne sais pas pour qui tu me prends, mais, si tu n’avais pas remarqué, je suis paralysé de la moitié du corps. Je ne pense pas exactement que j’entre dans la catégorie des gars qui obtiennent tout ce qu’ils veulent, dis-je en montrant mon corps de la main gauche.

 

Le regard de Charlie s’adoucit. Elle me regarde et secoue la tête. Un léger sourire flotte sur les lèvres.

  • Honnêtement, cette fille nous fait faire des choses! répond-t-elle en soupirant.

Un rire nerveux sort malgré moi.

  • Et ça fait moins de 24 heures!